La science, avec ou sans conscience.

Par Dr Daniel Saelens, le 03 Octobre 2008.
Nous vivons dans une société où la science est toute puissante. En effet, l’argument choc dans tout débat est « c’est scientifique, c’est prouvé scientifiquement, avez-vous des preuves scientifiques de ce vous avancez ». Il semble donc que cette mystérieuse science soit devenue notre religion moderne, arbitre suprême.
Et pourtant,….
Comme le dit Jean-Marie Pelt, il arrive souvent que les experts ne soient pas d’accord sur un même sujet. Le plus bel exemple étant la problématique des OGM.
D’autre part, des « vérités scientifiques » indiscutables sont de nombreuses fois remises en question quelques années plus tard. On ne compte plus le nombre de médicaments utilisés à grande échelle et retirés ensuite du commerce (le célèbre Softénon étant l‘exemple type), la farine carnée « sous-produit » des clos d’écarissage était un excellent aliment pour bétail jusqu’au jour où notre brave vache commença à perdre la tête…
C’est pourquoi j’ai décidé de me pencher sur la signification de ces termes et de voir quelles sont les conditions nécessaires pour être admis dans le sacro-saint “club des scientifiques” au nom duquel tout paraît être possible.
S’il s’avère par cette étude que rendre les vaches folles en les rendant carnivores, que permettre aux femmes ménopausées d’être enceintes, que faire reproduire des mammifères par clonage, que brûler des réserves énergétiques accumulées pendant des millions d’années en quelques décennies, qu’accumuler des embryons humains dans des congélateurs… est une attitude scientifique, alors je serai fier de ne pas l’être!
Mais revenons à nos moutons (non-clonés), commençons par le commencement et analysons cela d’un peu plus près.
La première chose à faire est, je crois, de savoir de quoi on parle et de regarder les définitions dans le dictionnaire.
Science: Larousse 1950: latin scientia de scire, savoir. Connaissance exacte et raisonnée de certaines choses déterminées: la science des choses extérieures. Tout ensemble de connaissances fondé sur l’étude: les progrès de la science. Ensemble de connaissances coordonnées, relatives à un objet déterminé: les sciences naturelles. De science certaine, sur des informations certaines. science du monde, connaissance de certaines choses servant à la conduite de la vie. Science infuse, qui vient de Dieu par inspiration. Sciences occultes, l’alchimie, l’astrologie, la chiromancie, la cabale, etc…, Sciences exactes, les différentes branches des mathématiques.
Scientifique: idem: qui concerne les sciences, qui a la rigueur de la science.
Rigueur: idem: sévérité, dureté,… Exactitude inflexible: la rigueur des règles. Forme exacte: la rigueur d’un raisonnement.
Science: petit Larousse 2000: lat scientia de scire, savoir. Ensemble cohérent de données relatives à certaines catégories de faits, d’objets ou de phénomènes: les progrès de la science. Talent, habileté à faire quelque chose. Sciences humaines: sciences qui ont pour objet de connaissance les différents aspects de l’homme et de la société, comme l’histoire, la sociologie, la psychologie, etc… Sciences naturelles, sciences constituées à partir de l’étude de la nature (botanique, géologie, zoologie, etc…). Science pure, synonyme de recherche fondamentale. Pl disciplines où le calcul et l’observation ont la plus grande part (par oppos aux lettres): étudiant en sciences.
Scientifique: idem: relatif à la science ou à une science, nomenclature scientifique. Qui a la rigueur et l’objectivité de la science: méthode scientifique. Spécialiste des sciences (par oppos à littéraire).
Rigueur: idem: grande exactitude, précision, exigence intellectuelle.
Objectif: (lat objectus, placé devant). Qui existe indépendamment de la pensée, comme un objet indépendant de la pensée (par oppos à subjectif): réalité objective. Qui ne fait pas intervenir d’éléments affectifs, personnels dans ses jugements; impartial. Se dit de quelque chose qui a un caractère scientifique.
Discussion
Un peu d’histoire
Il y a donc une évolution dans la définition de la Science. Ce terme désignait auparavant la connaissance en général ou en particulier sur un domaine bien précis. Mais notre époque moderne scientifique (surtout depuis environ 200 ans) a voulu restreindre cette définition à ce qui est démontrable par expérimentation, à ce que l’on sait prouver.
Pourquoi cette restriction? En fait, jusqu’au moyen-âge, la connaissance n’était pas expérimentale, les hommes avaient des connaissances générales héritées de la nuit des temps et dans lesquelles la religion était intimement mêlée. Les scientifiques étaient philosophes ou religieux. Ces connaissances n’étaient pas mises en doute et étaient quand même appliquées dans la pratique avec un talent extraordinaire. Je ne citerai pour exemple que la construction des cathédrales qui défient les âges et qui ont été édifiées à l’aide de techniques encore inégalées à l’heure actuelle.
Avec la renaissance et son ébullition d’idées commence la découverte expérimentale des grandes lois qui régissent l’univers. Les pionniers comme Copernic (1473 1543) ou Galilée (1564 1642) furent bientôt suivis par des gens comme Newton (1642 1727), Linné (1707 1778), Lavoisier (1743 1794) et, au siècle suivant, c’est l’explosion d’autant plus rapide que l’inquisition a disparu
avec, entre autres, Claude Bernard (1813 1878) ou encore Mendel (1822 1884), Mendeleïev (1834 1907), etc…A partir de ce moment, on pèse, on mesure, on observe, on décortique, on dissèque et c’est l’euphorie de la découverte. Ces découvertes faites par des chercheurs indépendants et bien souvent méprisés dans un premier temps donnent naissance à des inventions vulgarisées par l’industrie et la finance. C’est l’ère industrielle qui commence et qui s’emballe dans la deuxième moitié du 19ème siècle.
Il était encore possible pour ces pionniers de faire des correspondances entre leurs connaissances religieuses, alchimiques ou astrologiques et leurs observations et applications pratiques. Ces connaissances même mystiques étaient encore considérées comme scientifiques d’où la présence dans les vieux dictionnaires de science infuse ou occulte dans la définition de la science. On voit, dans le dictionnaire de 1950, après la définition moderne basée sur l’expérimentation, des expressions qui sont un souvenir d’avant la renaissance. Mais le même dictionnaire de 2000 a supprimé ces notions, sans doute par crainte de nuire à la respectabilité de la Science!
Critères pour être scientifique
Donc, on l’a vu, le mot prend un autre sens plus restrictif avec l’arrivée de l’ère des expérimentations. Et, si on reprend la définition de 1950 (moderne par rapport à celle d’avant la renaissance mais pas encore adaptée au monde actuel), on voit plusieurs critères apparaître pour devenir scientifique:
1) connaissance exacte: déf de exact : juste, conforme à la règle, à la vérité.
Le premier critère de la Science est donc d’être conforme à la vérité, à la règle. Tous ces grands savants ont mis en évidence des VERITES, des réalités: la terre est ronde, elle attire les objets grâce à la loi de la pesanteur, le sang circule dans les vaisseaux sanguins, l’influx nerveux se transmet grâce à des neurotransmetteurs, les animaux peuvent être classés en embranchements, ordres, espèces, races, l’électricité est une énergie capable d’éclairer, etc…L’industrie n’a fait qu’appliquer et vulgariser ces lois universelles dans des inventions que l’on n’imaginait pas auparavant.
Mais, depuis quelques décennies, les recherches scientifiques ont le BUT OPPOSE, c’est-à-dire NE PLUS ETRE CONFORME A LA REGLE. On essaie par tous les moyens de ne plus devoir se soumettre aux lois naturelles universelles: les vaches ne doivent plus être herbivores, les femmes ménopausées peuvent être enceintes, les animaux supérieurs ne doivent plus passer par la reproduction sexuée pour se reproduire, le clonage suffit, la stérilité devient synonyme de santé C’est donc tout-à-fait normal que la notion d’exact soit disparue de la définition de la Science puisque le but des recherches est maintenant de ne plus être exact (conforme à la règle).
2) connaissance raisonnée: déf de raison: faculté au moyen de laquelle l’homme peut connaître, juger et déterminer sa conduite d’après cette connaissance.
Pour bien comprendre le sens de ce terme, il faut décortiquer le progrès scientifique dans ses différentes étapes:
A) La recherche fondamentale: c’est la première étape du scientifique, c’est la mise en évidence de la loi fondamentale, c’est ce qu’il y a de plus objectif dans la science parceque indépendant du chercheur (si celui-ci est honnête). C’est la mesure du phénomène étudié et la mise en lumière des lois et systèmes sous-jacents.
B) La science appliquée: c’est la deuxième étape. Une fois la loi découverte, on essaie de voir comment on pourrait l’appliquer de façon à faire un progrès scientifique, à participer à l’évolution du genre humain.
C) L’industrialisation, la mise sur le marché, le marketing, la promotion. Une fois que l’invention a été bien analysée et qu’il s’avère qu’elle soit un progrès, on la produit en masse pour en faire jouir un maximum de gens.
C’est surtout à partir de la deuxième étape que la raison intervient. En effet, pour mettre sur le marché une nouvelle invention, il faut qu’elle amène un véritable progrès qui doit être bénéfique pour tout le monde, y compris toute la nature qui nous entoure. Il faut sans cesse CONFRONTER la science appliquée aux lois fondamentales et étudier de près toutes les CONSEQUENCES de nos actes (l’âge de raison est l’âge à partir duquel les enfants se rendent compte de la conséquence de leurs actes). Il est complètement déraisonné de produire des éléments sans avoir pensé à la suite des évènements, c’est-à-dire, le recyclage des déchets (plastique, éléments radioactifs, piles, pesticides, etc…). L’invention de la roue et la traction chevaline n’ont pas provoqué de catastrophe écologique et sont donc de véritables progrès: grâce à ces découvertes, l’homme a pu se déplacer et communiquer plus facilement sans nuire à la nature. C’est la raison (détermination de la conduite d’après les connaissances) qui doit guider l’homme dans l’application de ses découvertes.
La raison fait donc intervenir le principe de la SOLIDARITE qui interdit à l’homme de vulgariser des inventions si elles ne sont pas bénéfiques pour TOUTE LA CREATION ou de les utiliser à CERTAINES CONDITIONS. Une caricature qui permet de bien comprendre cette notion serait par exemple de dire
que l’on n’utilise les moteurs que pour ce que le cheval ne sait pas faire, il n’y aurait alors pas de problème de pollution. Par manque de raison dans l’utilisation, une découverte géniale devient néfaste et entraîne une perte au lieu d’un progrès.
Il ne faut pas beaucoup réfléchir pour trouver dans les nouvelles découvertes scientifiques, des actes déraisonnés et passés dans la phase de marketing sans être passés par l’examen de la raison. C’est pourquoi il était sans doute plus “raisonnable” de supprimer cette notion dans le dictionnaire!!!
3) La Science est un ensemble de faits coordonnés:
Après l’observation et l’expérimentation, on se trouve devant un ensemble de faits qu’il faut coordonner, c’est-à-dire mettre en ordre. Encore une fois, il y a un changement dans la définition de coordonner. En 1950: combiner selon certains rapports, dans l’ordre assigné par la forme ou la nature des éléments et, en 2000: agencer des éléments pour former un ensemble cohérent. Lorsque le dictionnaire de 1950 parle d’ensemble coordonné, cela implique donc de devoir se plier à l’ordre ASSIGNE PAR LA NATURE DES ELEMENTS. Cela implique que le scientifique ne fait que dévoiler, mettre en lumière un lien existant dans la nature même des éléments, on ne peut pas inventer, créer des liens artificiels. Le terme cohérent repris dans la définition de 2000 de même que dans la définition de coordoner de 2000 (agencer des éléments pour former un ensemble cohérent) est beaucoup moins strict: dont toutes les parties se tiennent et s’organisent logiquement. Prenons par exemple le problème de la vache folle. La vache mange des protéines d’origine végétales. Or, les protéines sont une séquence d’acides aminés, les protéines provenant de cadavres sont également une séquence d’acides aminés, donc, on peut donner des protéines d’origine animale réduits en poudre et complémentés avec les acides aminés manquants. Ceci est un ensemble cohérent puisque toutes les parties du raisonnement se tiennent. Mais ce n’est pas un ensemble coordonné au vieux sens du terme puisque cet agencement est contraire à la nature des éléments: la vache est végétarienne de nature.
Avoir supprimé de la définition de la science cette notion de coordination est donc tout-à-fait cohérent avec la logique actuelle de ne pas se plier à l’ordre assigné par la nature des choses.
4) qui a la rigueur:
On a vu également que ce qui est scientifique a la rigueur de la science. La rigueur nous renvoie à la notion d’exactitude dont on a déjà parlé dans le premier paragraphe.
5) Objectivité:
Cette notion nous est apportée dans la version de 2000 du mot scientifique. La définition nous dit: qui ne fait pas intervenir d’éléments affectifs ou personnels dans ses jugements.
Cette objectivité est très facile à comprendre dans la première phase de la recherche: la recherche fondamentale. En effet, la loi mise en lumière par cette recherche existe depuis toujours et indépendamment du chercheur, on peut donc comprendre que ce soit objectif.
Par contre, l’application dans la vie quotidienne doit être, on l’a vu, raisonnée. Personne n’est capable de raisonner sans faire intervenir d’éléments affectifs ou personnels. Einstein et Oppenheimer ont certainement du faire intervenir leurs sentiments lorsqu’ils se sont rendus compte de la puissance de la bombe atomique et que celle-ci allait être utilisée par le pouvoir politique. Il est d’ailleurs bien connu que les grands scientifiques, étant donné qu’ils atteignent souvent au fondamental des choses, finissent par faire de la philosophie pour essayer d’intégrer leurs découvertes dans ce qui reste malgré tout un grand mystère: celui de la vie. Je ne citerai que Einstein ou plus récemment, Albert Jacquart.
Ces réflexions font certainement intervenir des éléments subjectifs et pourtant, n’enlèvent rien à la valeur scientifique de ces hommes. L’objectivité est donc un critère sujet à caution et on peut comprendre qu’il soit absent dans l’ancienne définition. Les notions d’exactitude, de raisonnement et de coordination suffisaient.
Ce qui est sûr et certain, c’est que toutes les recherches “scientifiques” effectuées par l’industrie ou par l’Etat, que les recherches universitaires sponsorisées par les mêmes industries, que les statistiques concernant par exemple les OGM et produites par Monsanto et compagnie ont une objectivité qui est sujet à caution.
A ce propos, je voudrais vous livrer quelques extraits de l’encyclopédie alpha parlant de l’objectivité de la science :
“ces piétinements font apparaître un côté délicat de l'”objectivité scientifique”: la compétence des savants est scientifique, mais leurs décisions ont d’énormes conséquences politiques ou sociales, et leur consensus n’est pas toujours rationnel…notre science se fait dans le regret de l’innocence perdue. L’Etat n’agit pas en mécène mais intègre le savoir scientifique dans la production, au détriment, peut-être des finalités propres de la science. Ce n’est pas l’hégémonie de la science qu’il faut craindre, mais que des demi-savants ou d’habiles illusionnistes n’usent d’un langage emprunté, aux apparences de rigueur et d’objectivité, pour habiller des convictions ou des projets condamnables.”.
Ce texte date de 1972 et on ne peut malheureusement que constater qu’il est d’une actualité criante.
Conclusion
Etant donné que la plupart des recherches actuelles n’est plus du tout scientifique, il était certes plus facile de faire changer la définition de la Science, de lui enlever toute sa substance que d’arrêter cette machine infernale qui utilise la technique de la terre brûlée en détruisant tout sur son passage et que l’on nomme si pompeusement “les progrès de la science”.
Nous devons absolument continuer à travailler de la façon la plus scientifique possible,
c’est-à-dire répondre aux trois critères indispensables:
Exactitude: se remettre à la norme, à la règle. Il faut vouloir apprendre, connaître et domestiquer les lois fondamentales qui régissent l’univers mais pas en inventer des nouvelles qui vont à l’encontre du bon sens.
Raisonnement: penser à la conséquence de ses actes à court, moyen, et long terme est une obligation à laquelle tout homme doit se soumettre. C’est d’ailleurs ce qui différencie l’homme de l’animal. L’homme qui ne raisonne pas devient bestial et la plus nuisible des créatures terrestres.
Coordonner toutes les informations: la recherche scientifique, c’est décortiquer tout, c’est chercher perpétuellement la petite bête, c’est vouloir comprendre le moindre détail. Une fois qu’on a toutes les pièces détachées devant soi, il faut les remettre dans le bon ordre, dans l’ordre prévu par la nature et pas dans un nouvel ordre réinventé par l’homme.
La seule façon de nous sortir de la spirale infernale de destruction (d’autodestruction) qui prévaut à l’heure actuelle sera scientifique (dans le vrai sens du terme). Il ne peut être question de retour en arrière, ni de rejet des découvertes extraordinaires de cette période matérialiste mais il faut les comprendre, les compléter, et les intégrer dans un véritable projet scientifique humble et raisonné. Cette crise ne peut être surmontée qu’à partir de l’avenir, la solution est “demain” et pas “hier”.
Scientifiquement vôtre,
Daniel Saelens.
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